
Viet Nam
NOUVELLE GENERATION : LES EFFETS AMBIGUS DE LA CROISSANCE
Le Viêt Nam est un pays jeune : 60% de la population a aujourd’hui moins de 25 ans. Le marché du travail est ainsi très dynamique, d'autant plus qu'au Viêt Nam, on travaille longtemps, parfois jusqu'à 70 ou 75 ans. Ce dynamisme démographique, couplé à une croissance économique spectaculaire, encourage les employeurs vietnamiens et étrangers. Notre interrogation est donc la suivante : dans un contexte de croissance favorable à l’évolution du marché du travail, comment les jeunes envisagent-ils leur vie professionnelle ? Nous partons en effet du constat que la dégradation de la situation économique en France a entraîné une certaine désillusion de la jeunesse française face au travail. Choisir et trouver un travail en France est plutôt synonyme de difficulté que d'opportunité... Comment les jeunes vietnamiens se projettent-ils donc dans leur travail ?
Au Viet Nam, la tendance actuelle est à la croissance : le tourisme s’est développé massivement ces dernières années, les entreprises et industries étrangères s’y implantent afin de profiter d’une main d’œuvre nombreuse et moins chère… Bref, toutes les conditions sont réunies pour que les jeunes trouvent du travail rapidement : le taux de chômage des 15-24 ans au Viet Nam était de 6% en 2016, contre près de 25% en France en 2017. Pourtant, nous avons pu constater, à la lumière de nos rencontres et de nos impressions personnelles, que ces conditions très favorables pour l’intégration des jeunes sur le marché du travail avaient des effets ambigus : la notion même de travail s’en trouve affectée.

Pour les jeunes vietnamiens, cette situation économique présente de nombreux avantages : ils trouvent du travail facilement, les employeurs industriels sont peu exigeants sur la formation et proposent une rémunération intéressante. Ce type de travail demande en général peu d'implication intellectuelle mais est très attractif pour la nouvelle génération qui acquiert ainsi son indépendance rapidement et simplement.
Du côté des employeurs, cette jeunesse représente une main-d’œuvre peu chère et relativement qualifiée, dont la formation est limitée à des compétences très spécifiques, propres à une ligne de production industrielle ou à un type de tâche dans les services. La notion de travail semble donc réduite à un intérêt alimentaire et pécuniaire, sans considération particulière pour un idéal ou un développement personnel.
Mais l’arrivée massive d’acteurs internationaux sur le marché vietnamien permet aussi l’importation de modes de travail et de formation plus soignés. Beaucoup d’entrepreneurs, conscients de la rigidité traditionnelle des relations de travail au Viet Nam, mettent l’accent au quotidien sur un management plus collaboratif et respectueux de l’avis et de l’implication de chacun. Cela passe notamment par la formation : sous la responsabilité de ces managers, les compétences techniques importent moins que la capacité à apprendre un véritable métier. Pourtant cette volonté de transmission d’un savoir-faire et l’investissement que représente la formation pour l’entreprise sont souvent contrecarrés par la tendance des jeunes à privilégier une activité plus immédiate et plus rentable.
La tension, dans le travail, entre compétences techniques et métier se joue donc finalement dans un rapport au temps propre à la culture vietnamienne : une formation au long cours qui permet l'apprentissage d'un métier est plus difficile à valoriser car les vietnamiens semblent se projeter à court ou moyen terme dans leur travail. La formation professionnelle des jeunes prend donc un sens très différent de ce que nous connaissons en France : si un jeune français s’inquiète en général d’un choix de « carrière », un jeune vietnamien privilégiera souvent une activité rentable à court ou moyen terme.
Cela peut s’expliquer en partie par les difficultés actuelles de l’enseignement national au Viet Nam. Les cycles secondaires professionnels et d’apprentissage sont encore aujourd’hui et malgré les besoins du pays peu répandus, et le contenu de la formation classique, selon ce que nous avons compris, relève plutôt de l’apprentissage par cœur et non d’une incitation à la réflexion.
Les jeunes vietnamiens entrent donc souvent sur le marché du travail sans véritable vision de leurs possibilités et de leurs aspirations. La situation économique florissante du Viet Nam semble encourager une perception du travail comme une simple activité rémunérée, dans laquelle il n’y a pas lieu de se projeter ou de s’impliquer outre mesure en tant que personne, puisque l’activité est amenée à changer dans un futur relativement proche. Cependant de nouveaux modèles existent et tentent de donner une définition plus complète du travail, à travers le questionnement des modes de management, l’accompagnement des employés par la formation et l’évaluation, et autres pratiques innovantes qui mettent la personne au cœur de l’entreprise… Pour en savoir plus sur ces derniers, rendez-vous dans l’espace consacré à nos rencontres !